Et les femmes de plus de 50 ans? On en parle?!

Publié le par Caroline

Et les femmes de plus de 50 ans? On en parle?!

J'ai écouté un podcast et lu un article ce week-end qui m'ont fait prendre conscience de l'invisibilisation des femmes de plus de 50 ans dans les médias et dans nos revendications féministes. 

D'abord, j'ai écouté "transmission" avec Lio sur l'excellente plateforme Arte Radio. Elle y retrace son parcours et explique sa situation actuelle. Pour moi, ce n'était qu'une chanteuse ringarde qui interprétait le naïf "Banana split" dans les années 80. En fait, elle est beaucoup plus complexe que cela. Elle revient sur son histoire de façon touchante et montre en quoi ses choix musicaux sont engagés et féministes. Aujourd'hui, les producteurs ne veulent plus d'elle car elle apparaît bien trop âgée pour faire vendre. Pourtant, Lio ne veut pas se taire!

Et aujourd'hui, j'ai lu un article sur la sexualité des femmes de plus de 50 ans dans la chronique sexualité de Maia Mazaurette. Ecartée des médias et des luttes féministes, il apparaît compliqué pour cette tranche d'âge de se rendre visible! Pourtant elles représentent 41 % de la population féminine. Elle revient sur l'origine du mot senior qui désexualise les femmes et nous conseille l'ouvrage "il n'y a pas d'âge pour jouir" PS: j'ai copié/collé cet article ici car il est réservé aux abonnés. Si la lecture n'est pas aisée, je peux vous envoyer le pdf.

J'en profite pour conseiller au passage l'écoute d'un podcast à soi sur ce thème que j'ai écouté il y a quelques mois (je vous recommande tous les épisodes de Charlotte Bienaimé): https://www.arteradio.com/son/61660809/vieilles_et_alors_14

 

Je vous souhaite à toutes et tous une bonne fin de week end une bonne écoute et une bonne lecture!

 

bises

 

La révolte sexuelle des femmes matures est en marche

La Journée mondiale de la ménopause aura lieu le 18 octobre… et a priori, vous n’en entendrez pas parler. Par un mystérieux hasard, ce qui se passe sous la ceinture des femmes de plus de 50 ans a tendance à se perdre dans les limbes. On parle pourtant de 14 458 367 personnes (plus de 41 % de l’ensemble de la population féminine, selon l’Insee). Ces femmes ont une vie sexuelle : dans le cadre du couple, ou pas (un peu moins d’un mariage se terminant en divorce, elles sont plus que jamais sur le « marché » sexuel).

Et pourtant ! Les femmes matures disparaissent du discours sexuel, comme si la cinquantaine se fêtait systématiquement par l’entrée au couvent. Non seulement le sujet fait l’objet de peu de représentations médiatiques (âgé + femme, c’est une double discrimination, comme l’a montré le dernier baromètre de la diversité du CSA), mais même les militantes féministes ou pro-sexe ont tendance à zapper le sujet. La puberté, les règles, la maternité sont des objets politiques. La ménopause, la maturité, pas vraiment.

Pourquoi cet oubli ? Catherine Grangeard, psychanalyste et autrice d’un essai paru jeudi 8 octobre, Il n’y a pas d’âge pour jouir (Editions Larousse, 208 pages, 15,95 euros), a sa petite idée : si la femme ménopausée fait peur, c’est parce qu’elle fait l’amour de manière résolument improductive – guidée par zéro impératif biologique, zéro devoir de croître et multiplier. Et ça, c’est dangereux. Car la position de désir sans entrave, normalement, c’est celle de l’homme. (Notons quand même que la loi Neuwirth autorisant la contraception, donc la sexualité non procréative, est elle-même une fringante quinquagénaire.)

Les femmes plus âgées seraient donc, un peu, des hommes. C’est en tout cas ce que révèle notre langage. Prenez le mot « senior » : originaire de l’espagnol, il signifie… « monsieur ». Catherine Grangeard parle à ce sujet d’un lapsus collectif, comme si les femmes, avec l’âge, se trouvaient désexualisées – ce qui est d’ailleurs le cas puisqu’on ne les regarde plus, et qu’elles cessent à peu près d’être importunées dans l’espace public. Selon les chiffres du ministère de l’intérieur, une jeune fille de 15 ans risque 11 fois plus d’être violée qu’une femme de 50 ans.

« Obsolescence programmée »

La seniora (puisque le mot est sexiste, féminisons-le) renvoie par ailleurs à une figure maternelle pas toujours facile à associer à la bagatelle… ce qui peut expliquer un certain manque de solidarité intergénérationnelle : « Les jeunes féministes sont les filles de ces femmes de plus de 50 ans et leur œdipe n’est pas toujours mort », souligne Catherine Grangeard. Sans forcément psychologiser le débat, il est exact que les jeunes femmes n’ont pas toujours l’envie (ou l’énergie) de se projeter dans une « obsolescence programmée » dont l’échéance s’ajoute à bien d’autres vexations âgistes (catherinette à 25 ans, supposément désespérée à 30 ans, flippée par la maternité à 35 ans, etc.).

Il est d’autant plus difficile de vanter les vertus d’une vie sexuelle tonique après 50 ans, quand on se voit systématiquement opposer les mêmes arguments pseudo-rationnels : les humains seraient attirés par des traits juvéniles (c’est la néoténie, effectivement corrélée à la désirabilité), afin de pouvoir favoriser la reproduction de l’espèce. Bon. Soyons sérieux deux minutes : le sperme des hommes vieillit, et si ces derniers traversaient les années avec tant de grâce, on se demande bien pourquoi ils dépenseraient des fortunes en Viagra.

Par ailleurs, il va falloir se décider sur notre scénario contemporain : on entend sans cesse que plus les femmes vieillissent, plus elles sont sexuellement épanouies – mais que moins elles s’intéressent au sexe. Il faudrait savoir… Rappelons à tout hasard que la presbytie n’empêche pas d’admirer la chute de reins des collègues de travail. Et qu’on n’a pas moins de terminaisons nerveuses parce qu’on a pris quelques rides.

De nombreuses femmes s’autocensurent

Mais alors, comment expliquer la disqualification sexuelle des femmes matures ? Pour commencer, tapons un peu sur le grand capital (une saine activité dominicale) : les secteurs des cosmétiques, de la chirurgie, de la forme, de l’alimentation, n’ont aucun intérêt à renoncer à vendre un « combat » perdu d’avance, promettant au maximum de conserver « de beaux restes ». Soit on fait partie de celles qui « se maintiennent » au prix d’efforts et de compromissions, mais attention à ne pas en faire trop (sinon on devient « ridicule »). Soit on entre dans le cas des nombreuses femmes qui s’autocensurent : les trois quarts des senioras pourraient vivre sans sexe (IFOP/Elle, 2019).

Pour Catherine Grangeard, il faudrait sortir entièrement du paradigme actuel : inspirer du désir, c’est dépendre de l’autre, donc s’aliéner. Mieux vaudrait tabler sur sa capacité à ressentir du désir… c’est-à-dire sortir du rôle de la MILF (« mother I’d like to fuck ») qui répond au désir masculin : cette fameuse mother, si on lui posait pour une fois la question, à qui voudrait-elle faire l’amour – et comment ? Quel animal chasseront nos cougars ?

La psychanalyste se fait alors politique, nous invitant à une riposte qui s’attaquerait en premier lieu aux représentations : « Dire le désir, ça ne se commande pas, c’est archifaux. En tout cas, nous avons compris les mécanismes de fabrication du désir. A défaut de se commander, le désir s’oriente, et parfois, il s’entretient. » Erotiser les femmes âgées pour fabriquer de nouveaux désirs… mission impossible ? C’est pourtant ce qu’a fait la réalisatrice Olympe de G. il y a quelques mois avec Une dernière fois, son film pornographique mettant en scène une Brigitte Lahaie de 64 ans dans le rôle-titre.

Pour que la honte change de camp

D’autres pistes ? L’essai en regorge. Se remettre au centre de son désir. Se faire plaisir en flirtant sur les applis de rencontres. Refuser les injonctions à jouir autant que les injonctions à entrer dans les ordres. Ne pas accepter n’importe quoi de la part des partenaires qui nous désirent « encore ». Sortir de la prophétie autoréalisatrice qui veut qu’on soit invisible (et ne pas l’entretenir entre femmes). Ne pas se définir par rapport aux hommes, et exiger leur soutien vocal, public, pour que la honte change de camp : qu’il devienne plus acceptable de désirer des femmes de plus de 50 ans que celles de moins de 16 ans.

Il faudra, en outre, sortir d’un récit tout-médicalisé obsédé par la sécheresse vaginale, sachant que les freins à la libido sont plutôt psychologiques. Au rang des accusés, on compte l’ennui, la routine, mais aussi la perplexité face à la dysfonction érectile des partenaires… car les senioras culpabilisent même quand c’est monsieur qui manque de tonus.

Voilà qui nous emmène logiquement de l’autre côté du problème (chez les hétéros) : comment se fait-il que les femmes s’accommodent des rides, de la calvitie et de la bedaine de compagnons hommes (qui mourront plus vite), alors que tous ne semblent pas prêts à leur retourner la politesse ? « Un des aspects trop méconnus dans le choix de partenaires plus jeunes est la terreur de vieillir, inouïe – au sens premier, pas entendue », dit la psychanalyste. L’invisibilisation des senioras, les moqueries qu’elles subissent, les petites piques médiatiques serviraient dans ce cas à colmater le manque de confiance des hommes de plus de 50 ans. Lesquels ne seraient pas « terrifiés » sans raison : selon les chiffres IFOP/Elle 2019, 86 % des femmes de 18-24 ans et 67 % des 25-34 ans ne coucheraient « jamais » avec un quinquagénaire.

Maia Mazaurette, le Monde, dimanche 11/10/20

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